(1M) l'amour dévorant

Aveugle. Elle l'est. Aveuglée par l’égoïsme. Incapable d’aimer à proprement dit un être. Elle se cramponne à la solitude devenue son âme sœur avec le temps. Et lui, qui crie à l’injustice demande à ce qu'elle l'aime. Lui, et seulement lui. Son cœur tout entier lui est dédié. Quand les doigts d'Ange l'effleurent avec douceur infinie, elle le ressent. Elle sent son amour comme elle sent son souffle contre son corps alors qu’il recherche le chemin de ses lèvres. Il parcourt sa peau, s’arrête, dépose un baiser et reprend son chemin. Elle le laisse faire. Elle aime ce contact, mais l’aimer lui ? Elle n'en sait rien. Il lui en demande trop. Cette maigre carcasse qu'elle est, est bien incapable de lui rendre tout cet amour qu’il lui porte.

Bientôt, ses doigts viennent se fondre dans sa longue chevelure mordorée. Elle lui offre un fin sourire. Un sourire qui en dit long. Alors, Ange lui murmure des mots doux, des mots mélodieux. Quel romantisme ringard. « Tu es si belle. » et ça flotte dans l’air, au-dessus de leurs têtes presque endormies, jusqu’à ses oreilles où derrière la gauche, il replace délicatement l’une de ses mèches rebelles. « Dors ange... » Lui répond-elle simplement en quittant son regard pratiquement rempli d’étoiles. Trop d’amour. Trop de bonheur. Trop de tout pour qu'elle ne puisse le supporter. Elle se retourne, lui offrant pour tout remerciement, son dos nu. Elle sent toujours son regard passionné sur sa peau découverte. Comme chaque nuit qu'elle passe à ses côtés, elle sait qu’il ne va pas l’écouter. Qu’au lieu de rejoindre les bras de morphée, il va l’observer avec intensité jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. Jusqu’à ce qu’il ne soit enlevé de force vers le pays des rêves enchanteurs. Là où une copie d'Allie doit probablement l’attendre avec hâte. Là où cette pâle copie doit lui offrir l’amour dont il mérite. L’amour dont elle est inapte à lui céder. D’un coup, elle sent sa respiration ralentir. Il est parti. Elle se retourne, elle le regarde les yeux clos. L’innocence borde son visage presque enfantin. Il est si paisible. Si tranquille et beau à la fois. Un sourire sincère, un sourire heureux même parsème sa frimousse angélique. Il fait si calme dans la pièce sombre à présent. Rien n’aurait pu venir gâcher cette quiétude soudaine, si ce n’est ses cris poussés à son adresse. Il crie son prénom. Allie Allie Allie. Chaque pore de son corps la désirent. La veulent. Elle le sait, elle le sent, mais elle ne l’entend pas. C’est tellement plus facile de l’ignorer. De le laisser dans son petit cocon seul. Elle est comme insensible. Insensible à son message. Dés lors, elle laisse Ange seul dans le lit et se lève. Elle attrape ses vêtements qui épousent parfaitement les formes de son corps. Elle lui jette un dernier regard, rempli d’une tendresse presque réelle puis d’un coup, l’amour qui flottait dans la pièce s’évanouit dans le jour levant. Le semblant d’amour qui y régnait du moins. Elle referme la porte derrière elle et laisse le vent s’abattre contre son visage candide. Se mêler à ses bouclettes endiablées. Elle a besoin de prendre l'air. De réfléchir à tout ça, à elle, à lui, à eux.